Le Protectionnisme
Le mot ‘’protectionnisme’’ est revenu à la mode au courant des derniers mois. Depuis les plus récentes élections américaines, l’expression a regain en popularité et est utilisée sous toutes ses formes, sans réel contexte. Que ce soit par l’imposition de tarifs d’un bord ou l’autre de la frontière, de surtaxes, de bloquer des investissements étrangers, tout ses grands titres se font placer dans la même catégorie.
Mais qu’est-ce que le protectionnisme? En quoi ça m’affecte? En théorie, tous ces mesures devraient nous aider, non?
C’est ce que nous démystifierons.
Écrit par : HUGO LEVASSEUR - 15 Janvier 2025 - 10 minutes de lecture
Le protectionnisme est une politique économique, il s’agit d’un ensemble de mesures qui ont comme but de protéger le marché intérieur d’un pays face à la concurrence étrangère.
Ces mesures peuvent être sous n’importe quelle forme : Politique, économique, fiscale, législative, tant qu’elles favorisent les producteurs et travailleurs nationaux.
Ce n’est pas seulement monétaire; on peut penser à n’importe quel élément de friction qui découragera une compagnie d’aller voir ailleurs.
Concrètement, ces mesures sont un assemblement d’imposition de tarifs à l’importation, d’embargos commerciaux, des quotas d’importation, de barrières règlementaires, d’empêchement de vente d’une entreprise à une entité étrangère et de subventions.
Le but étant d’ajouter le plus de friction possible aux achats. Ces mesures ont comme effet de dissuader les compagnies de s’approvisionner à l’étranger et par conséquence, réduire le déficit commercial du pays.
Voici les plus récents exemples de mesures protectionnistes qui circulent dans l’actualité :
- Joe Biden qui refuse l’achat de U.S Steel par Nippon Steel, une compagnie japonaise.
- Surtaxe de tarifs sur l’acier et l’aluminium provenant de la Chine
- Imposition de tarifs par les États-Unis sur nos exportations Canadiennes.
Cependant, l’utilisation d’une seule de ces mesures ne fait pas en sorte qu’il s’agisse de protectionnisme. Oui, ces mesures peuvent faire partie d’une politique protectionniste, mais elles sont souvent utilisées de manière ciblée et individuelle, pour répondre à des enjeux précis. Il s’agit de protectionnisme lorsqu’une stratégie est en place et que ces mesures sont appliquées à l’ensemble du marché.
Pour reprendre les exemples plus haut : L’acier et l’aluminium sont hautement protégés en Amérique du Nord, en raison du nombre de personnes employées par le secteur et parce que les pays étrangers bénéficient d’aide de l’état pour rendre leurs produits plus compétitifs à l’échelle mondiale. Pour ce qui est de l’imposition de tarifs par les États-Unis sur nos exportations, il s’agit plutôt d’une question de sécurité à la frontière et de déficit commercial. Nous bénéficions beaucoup plus de notre partenariat avec les États-Unis que l’inverse. La balance commerciale du Canada était de plus de $90B en notre faveur en 2024.¹
La réalité est que notre économie n’a jamais été autant globale, et que, nous sommes, dans la plupart des cas, dans une un contexte économique qui privilégie le libre-échange. Que ce soit par nos accords commerciaux ou par le volume de nos exportations qui ne cesse d’augmenter, tout indique que le libre-échange est ici pour rester. La valeur de nos exportations a augmenté de 46% (soit de 530B$ en 2014 à 773B$ en 2024) et la valeur de nos importations de 49% (soit de 525B$ en 2014 à 780B$ en 2024) au courant des dix dernières années.²
De nos jours, ces mesures sont appliquées pour rétablir un certain contrôle économique et rééquilibré les déficits économiques que nous pouvons avoir avec des nations étrangères.
Certain même optent pour des mesures qui accomplissent exactement l’inverse : Javier Miller, président de l’Argentine, est connu pour sa récente réforme économique, où il vise à réduire les tarifs et démentir les barrières protectionnistes, dans le but de stimuler la compétition et réduire le coûts des biens de consommation.³
Pour bien comprendre le concept, il est important de connaitre les effets, positifs ou négatifs, du protectionnisme.
Quels sont les effets positifs du protectionnisme?
1. Protège les industries locales
Comme les mesures protectionnistes nuisent à la compétition extérieure, les industries en démarrage, ou les industries qui sont en difficulté bénéficient d’un environnement où la compétition est beaucoup moins suffocante que les industries qui sont bien établies. Cela permet aux entreprises locales de pouvoir compétitionner entres-elles seulement.
Par conséquent, en protégeant ces industries, les emplois vulnérables sont protégés des produits venant d’ailleurs.
2. Accentue la sécurité nationale
Uniquement un avantage en cas de crise. Le protectionnisme renforce notre sécurité nationale et gardant le contrôle de la production de notre énergie, l’agriculture et nos technologies. Dans le cas où nous sommes coupés du reste du monde, notre pays demeura auto-suffisant.
3. Réduction des déficits économiques
La fondation de cette politique économique repose sur ce principe : Réduire le déficit que nous pouvons avoir avec des nations étrangères.
Lorsqu’un déficit survient, il y a un déséquilibre dans la valeur des échanges entre deux pays. Un déséquilibre négatif signifie que nous achetons beaucoup plus à un pays, que ce pays achète de nous. Un déséquilibre n’est pas enviable dans l’optique où nous souhaitons avoir des partenariats égaux. Par exemple, nous avons un déficit important avec la Chine, mais avons un surplus encore plus important avec les États-Unis. Le protectionnisme rééquilibre la balance commerciale de manière artificielle, en y imposant des tarifs permettant de combler un déficit.
4. Contrôle environnemental et éthique
De prendre contrôle de notre production et de nos ressources signifie que l’on peut y imposer et faire respecter nos propres normes environnementales et éthiques.
Il est beaucoup plus facile de faire respecter ces normes à une compagnie Canadienne plutôt qu’une compagnie Chinoise. Des marchandises produites ailleurs peuvent facilement avoir été produites dans des mauvaise conditions de travail, par des enfants, à partir de combustibles polluants (comme le charbon).
D’ailleurs, le gouvernement a récemment mis en place le ‘’Child Labor Act’’. Les entreprises s’approvisionnant en Chine et qui respectent certaines conditions devront certifier qu’aucun enfant ne soit à l’emploi dans l’entièreté de leur chaine d’approvisionnement.
5. Encourage l’investissement local
Comme les achats étrangers sont découragés, l’argent recircule et est réinvesti dans notre économie.
Les compagnies d’ici achètent localement et les investissements étrangers sont encouragés par l’environnement économique stable.
Quels sont les effets négatifs du protectionnisme?
1. Coût d’achat élevé
Le résultat de l’imposition de tarifs et d’une compétition externe affaiblie se traduit souvent par une augmentation du coût des biens. Sans compétition et une réduction de l’offre, les compagnies locales ont plus de libertés par rapport à leur prix et la demande reste la même, malgré une offre réduite.
La compétition créé le meilleur environnement pour des prix… compétitifs.
2. Choix et qualité limité
En ajoutant des restrictions à l’importation, le nombre de produit disponible sur le marché Canadien est réduit. Un marché où il y a moins de choix signifie aussi que l’on peut s’attendre à une plus faible qualité, puisque les innovations d’ailleurs n’ont pas la chance de pénétrer nos marchés. Sans innovations d’ailleurs, l’incitation pour nos compagnies à innover est réduite.
La meilleure manière d’illustrer ce point est avec un exemple : L’industrie laitière et aviaire. Avez-vous déjà remarqué le peu de variété dans les marques disponible d’œufs à l’épicerie? Ou le fait que pratiquement aucun fromage français ou italien se trouve sur nos tablettes et que nos fromages sont dispendieux? C’est justement en raison de tarifs et des quotas imposés à l’importation de ces produits. Le résultat est que nous avons moins d’options et que la qualité du produit ne correspond pas nécessairement au prix plus élevé.
3. Inefficacité économique
Le capital attribué à des industries inefficaces sera pas dépensé à sa juste valeur, donc n’occasionnera pas les retombées économiques désirée par la protection d’un marché. De plus, le capital qui est attribuée à cette industrie ne peut pas être investi dans une différente industrie où le potentiel de croissance est significatif.
4. Représailles et guerres de tarifs
‘’Pour chaque action, il y a une réaction égale et opposée’’. Comme nous avons pu le voir récemment, lorsqu’un acteur économique important menace l’imposition de tarifs à un partenaire, il est immanquable que le pays se trouvant au bout de la mire décide d’en faire de même en retour.
Bien sûr, je fais référence aux États-Unis qui ont proposé d’imposer de 25% toute marchandise Canadienne vendue sur son territoire. Quelle a été la réaction du Canada? Menacer d’imposer des tarifs sur l’acier, la céramique et le plastique.
Il n’y a pas de gagnant dans ce genre de guerre, puisque l’incertitude économique fige les compagnies dans leur démarche d’acheter à l’étranger et l’instabilité fait fuir les investissements.
5. Stratégie court terme au détriment du long terme
Le protectionnisme soulage la pression externe des industries visées de manière temporaire, mais n’adresse pas les enjeux réels de compétitive de ce marché à long terme. Cette stratégie doit toujours être employée avec une politique claire de développement de marché intérieur.
Le protectionnisme a comme bu de protéger notre marché intérieur. En théorie, les mesures sont supposées impacter positivement nos compagnies, mais à plusieurs reprises, les effets ont été l’inverse. Nos aciéries les plus importantes sont protégées, mais sont détenues par des compagnies étrangères. Est-ce que les profits de ses compagnies recirculent sur notre territoire?
Alors, que penser de tout ça? Différent pays vont dans différentes directions et il ne semble pas y avoir une réponse claire. Une chose est certaine : L’histoire est portée à se répéter. Les leçons du passé nous ont démontré qu’un juste équilibre entre le libre-échange et le protectionnisme semble être une recette gagnante. Peut-être que les plus récentes nouvelles ne font que nous rappeler la fragilité de cet équilibre.
Hugo Levasseur
Founder, Important Inc.